Recueille entre tes lèvres,
ce produit mêlant bonheur et alchimie.
Boit cet élixir, sens tu s'échapper la vie?
Meurt amertume !
Veux tu nager dans les sillages,
que cette potion sème derrière elle?
Menteur, le péril ce n'est pas elle!
mais les fous qui s'en emparent,
pensant pouvoir se lier à celle
qu'ils appellent leur alliée
dès qu'ils flottent dans le noir.
Veux tu qu'elle te berce dans les sillages
qu'elle laisse traîner comme de pauvres bêtes?
Elle ne connaît ni les maux, ni les ravages.
Une chose si innocente que tu vois là,
fabriquée par les divins, les immortels
et de leurs mains si pures et si frêles
dont a jailli ce fruit interdit !
Conçois tu à errer cette nuit,
comme un chat déguisé de gris?
Regarde autour de toi,
ces formes si changeantes.
Elle nous envahit!
Voilà maintenant ces insatiables chimères,
dévorant, décapitant, démembrant,
les malheureux, prières prières!
Mais quel amusement que ce sort funeste.
Crier, courir, piller, mourir plus rien ne t'arrête!
Et songe à ces choses effarantes qui se plantent dans tes yeux.
Tableau de moribonds et d'affreux!
Et, je laisserai là, sur le sol,
un tout autre fluide;
pendant que tu te noieras dans ta folie,
causée par ce poison absurde.
Un bien triste liquide m'arrachant les pupilles,
se répandra de mes bras ouverts.
Voici le poison que je distille,
Roméo !